TF1 est-elle une télé pourrie ?
A vous d'en juger. A partir de cette nouvelle affaire. Ce n'est pas la première fois que cette immonde emission cause du préjudice. Il faut faire de l'audience et abrutir pour mieux vendre du coca, comme le disait un très grand président de chaine !!
Les journalistes de télévision confrontés à la difficulté de mettre en images leurs enquêtes LE MONDE | 17.09.04 | 15h08
A trop courrir après les audiences, les medias sont en train de corrompre la notion de démocratie en se transformant en juges, en accusateurs, en roulant dans la boue les gens avant que la justice soit passée. Qu'importe le mal fait aux iondividus, à leurs familles, à leur santé. L'important c'est le fric, c'est le plus possible de crétins captivés pour pouvoir ingurgiter la prochaine série de spots.
Tout ceci est vraiment très grave . Les médias sont devenus plus puissants que le pouvoir politique.
le cynisme est définitivement au pouvoir !
Je ne rajouterai rien à la citation de Mr Patrick Le Lay President de TF1. Je vous laisse juges !!!
"à la base , le métier de TF1, c'est d'aider Coca-Cola, par exemple, à vendre son produit. Or pour qu'un message publicitaire soit perçu, il faut que le cerveau du telespectateur soit disponible. Nos emissions ont pour vocation de le rendre disponible (...) Ce que nous vendons à Coca-Cola, c'est du temps de cerveau disponible."
Brève de couloir 003
- je commence à en avoir vraiment marre de toutes ces formations à la gomme !
- tu leur reproches quoi ?
- c'est jamais au bon moment et on perd son temps
- il faut bien se metre à niveau de temps en temps
- oui, mais c'est comme si on faisait du sport une fois par an. C'est un peu artificiel et ça a moins d'impact
- si tu étais responsable de la formation tu ferais quoi ?
- je supprimerais les stages qui sont un archaïsme à notre époque
- tu les remplacerais par quoi ?
- par de la micro-formation au quotidien.Au moins ça collerait plus à la réalité
- je n'ai pas le sentiment que nous soyons mûrs pou l'homéopathie !
- c'est sûr qu'il est plus facile de déplacer les pathologies que de régler les vrais problèmes !
Brève de couloir 002
- oui mais tout le monde revient quand même
- tu voudrais qu'on fasse comment ?
- que vous ayez une peu de courage en ne venant pas ou un peu d'initiative en essayant d'apporter des solutions
- tu y vas un peu fort, c'est pas moi le patron !
- c'est grâce à des idées comme ça que tu ne le deviendras jamais
Brève de couloir 001
- c'est la loi de parkinson !
- c'est quoi cette loi ?
- plus on monte dans une organisation plus les gens cooptent des incompétents
- pourquoi ?
- question de survie !
- peut-être pour eux mais pas pour la structure
- en cas de problème on vire d'abord ceux du bas
- il y a des jours où je me demande pourquoi je suis encore là
- c'est pourtant simple
- ?
- pour ton salaire
- tu as raison pour être durable il ne faut pas être éthique
15- Des hoquets pour l'octet
Cest vrai que le bureau dà côté, celui de son chef, ressemblait plutôt à une boutique de logiciels dans leur boîtiers tout neufs et encore bien emballés. Maïté, assistante au service marketing ne supporte pas ce gâchis et en a profité, lors de notre entretien, pour dénoncer les excès de linformatique. Elle sait de quoi elle parle. A quarante huit ans, elle fait partie de ceux qui ont souffert d'avoir été initiée à linformatique sur le tard. Dur, dur.
Ca doit vous changer la vie linformatique ?
Cest vrai quon ne pourrait plus vivre sans, mais cest pas la fête tous les jours . On finit par se faire prendre en otage par la machine et on passe notre vie devant lécran et les mains sur le clavier. Cest à se demander qui est loutil.
Pourtant ça limite le papier en principe ?
Vous avez raison de dire en principe car pour linstant on crée plus de papier quon en supprime. Déjà les services informatiques centraux nous inondent de listings, cest tout juste si on ne nous les livre pas par brouettes. Ensuite, comme tout le monde nest pas équipé, on est obligé de tout imprimer pour pouvoir travailler même quand la machine est prise. En fait, on est encore dans lère de la ramette pas encore dans celui de la disquette.
Ca a été dur de sy mettre ?
Il a dabord fallu se former. Alors on nous a payé des stages. Entre ceux qui étaient mal animés et ceux qui ont eu lieu trop longtemps avant larrivée des machines, ça na pas toujours été une réussite. Ensuite, il a fallu sadapter aux machines et aux logiciels. Et là, on a du se débrouiller tout seuls. Je ne vous dis pas le temps quon y a passé. On y a perdu des journées entières, des fichiers et pour finir mélangé des données. Et là, plus personne pour nous aider. Et pendant ce temps-là, il fallait quand même continuer à faire son travail. Il y en a qui ont pris quelques rides et quelques cheveux blancs.
Tout le monde a réussi ?
Il y en a qui sont restés sur le carreau. Cest surtout les plus âgés. Linformatique en a liquidé plus dun. Cest dommage parce quils savaient beaucoup de choses. Rien navait été prévu pour ce type de profils. Selon la stratégie établie, tout le monde devait suivre coûte que coûte. Dautres, à lopposé, se sont tellement passionnés pour la micro quils ont fini par en oublier lessentiel de leur travail. Ils sont devenus les bidouilleurs de service et ont trouvé plus de gratification dans la relation cathodique que dans les échanges avec leurs collègues. Par contre, ce qui en a écuré plus dun, cest de voir les machines les plus puissantes équiper les étages les plus élevés, alors que ça ne se justifiait pas du tout. Et maintenant, cest devenu la "course à larmement". Celui qui na pas le dernier micro, le dernier portable, le dernier processeur 486, la dernière version dExcel ou de Windows, fait figure de demeuré. Linformatique est devenue un signe extérieur de pouvoir et de richesse.
Il y a des excès ?
Il y a des gens qui ont des machines quils nutilisent pratiquement pas. Dautres qui collectionnent les logiciels. Le pire, cest de voir à quel point on a comprimé les dépenses dans un tas de domaines et comment on a laissé une totale liberté budgétaire au responsable informatique. Rien nest trop beau, rien ne lui est refusé. Les constructeurs doivent se frotter les mains !
Son pouvoir est devenu trop important ?
Comme beaucoup de monde ny comprend rien, il est difficile de contester ses choix. Il devient lune des directions la plus courtisée et la plus dépensière. Toutes les autres directions doivent lui faire allégeance si elles veulent avoir les bons matériels. En fait, linformatique est devenue le centre denjeux stratégiques et financiers tellement importants que je crois quil est temps de la faire superviser par des non-informaticiens.
REFLEXION
Il faut du temps pour se rendre compte que certains comportements coûtent plus quils ne rapportent. Cest dautant plus vrai dans des domaines où, paraît-il, lon narrête pas le progrès ...... linformatique par exemple.
14- La stratégie du sandwich
Dans cette entreprise, il nexiste plus que deux mouleurs qui sachent élaborer, à la main, les formes de découpe spéciales. Pierre, lun dentre eux fait partie de ces ouvriers dont la passion du métier compte avant tout. Il est apprécié et estimé de tous. Mais, pourquoi donc, en 25 années de bons et loyaux services, Pierre a-t-il toujours refusé de se faire happer dans la spirale ascendante de lorganigramme ? Son témoignage devrait faire réfléchir aux vertus de lhumilité.
Quelles sont pour vous les perspectives dévolution ?
Faire de mieux en mieux mon travail, sortir des produits de plus en plus parfaits, voilà mes perspectives dévolution.
Mais vous nenvisagez pas de grimper dans la structure ?
Surtout pas. Quand je vois ce quils deviennent, ça ne me donne pas envie de les imiter. Je préfère rester à ma place et mieux faire mon boulot que de grimper et brasser du vent. Le malheur, cest que des gens comme moi il y en a plus beaucoup. Ils veulent tous monter, et avouons-le, le système est conçu comme ça !
Et il y a de la place pour tout le monde ?
Malheureusement non. Et cette course à la promotion fait plus de déçus que délus. Et comme dans toute course au pouvoir, il y a des crocs-en-jambe. Ils passent un temps fou et dépensent une énergie colossale dans des querelles intestines et des intrigues politiques. Sans sen rendre compte, ils finissent par sintéresser plus à leur petit intérêt personnel, quà lintérêt collectif.
Ils peuvent agir contre lintérêt de lentreprise ?
Jamais de manière délibérée. Mais très souvent, peut-être par instinct de conservation, les chefs prennent plus de temps à marquer leur territoire quà les cultiver. Ils se préoccupent plus de plaire au dessus que daider en dessous. Ce qui amène à des décisions pas toujours très rationnelles.
Comment se décident les évolutions ?
Dabord il y a ceux qui ont du talent, et de ce côté-là il ny a rien à redire. Mais il y a aussi lancienneté, le copinage, lopportunisme, le complot, le faillotage, et bien entendu lerreur. Tout cela fait que si les gens sont généralement bien ceux quil faut dans le cadre de leur premier emploi, ça devient beaucoup moins vrai au fur et à mesure que lon monte. Ca finit par faire des hiérarchies de moins en moins compétentes. Heureusement quà la base on colmate !
Vous pensez quil y trop de monde au dessus ?
Vraisemblablement, car on ne les voit pas souvent et ça marche quand même. Je pense quils vivent plus ensemble quavec lentreprise. Ils ont perdu leurs racines et leur bon sens. Ils passent beaucoup de temps à réfléchir, comme ils disent, à faire des stratégies. Il y a quelques mois ils ont supprimé une ligne hiérarchique. A mon goût, ça a plutôt arrangé les choses. Eux qui cherchent toujours à faire des économies, ils pourraient tout simplement commencer par être moins nombreux.
Quest-ce qui vous énerve le plus ?
Cest de voir tous ces directeurs, là-haut, qui sagitent . On a limpression quils ne nous comprennent plus. Ca ne les empêche pas de nous juger et de nous noter. Et puis ils sont tellement nombreux que linformation met un temps fou à monter, que les décisions ne se prennent plus, que chacun finit par empiéter sur le champ du voisin et que, bien sûr, il faut quon travaille de plus en plus pour les nourrir.
Que faudrait-il faire pour que ça aille mieux ?
Dabord, il faudrait que chacun reste dans son métier beaucoup plus longtemps, et quil devienne un vrai professionnel avant denvisager de grimper. Il faudrait éviter de faire tourner les directeurs aussi vite car on a à peine le temps de se comprendre quils senvolent pour de nouvelles responsabilités. Je crois quon ferait mieux de dégraisser en haut, quen bas. Jai vraiment limpression quau nom de la conquête du pouvoir ils vont finir par casser la machine !
REFLEXION
Dans certaines entreprises il y aura bientôt plus de directeurs que douvriers. Est-ce bien rentable ?
13- Messes et chuchotements
Au service Après-Vente, on aime que les choses soient carrées. Georges, lun des techniciens, ne comprend pas pourquoi on dépense autant dargent pour soi disant communiquer. Au fond, à quoi cela sert-il ?
Daprès lui, la communication ne fait quentretenir la mégalomanie des dirigeants et ajouter à la confusion générale. Cette communication, si savamment orchestrée ne ressemble-t-elle pas, parfois, à de la mauvaise propagande et ne masque-t-elle pas ce que lentreprise possède dauthentique.
Vous avez le sentiment de bien comprendre ce qui se passe dans votre entreprise ?
Franchement non. Et pourtant ils essaient de faire des efforts de communication. Jai bien peur que tout cet argent englouti dans la communication soit bien mal employé. Prenez notre journal dentreprise. Il y a bien longtemps que plus personne ne le lit et pourtant il continue à paraître, imperturbable. Il y la tribune du président, les références, les nominations, tant de sujets qui nintéressent plus personne depuis bien longtemps. Mais tant quil y aura le budget et léquipe, le journal sortira même sil na plus de lecteurs. Le paradoxe de notre communication interne, cest quon sait ce qui se passe au Guatemala, mais on ignore totalement ce qui se passe dans le service voisin.
Il ny a pas que le journal interne quand même ?
Cest vrai, il y aussi les réunions dinformation, elles aussi peu fréquentées. Depuis quelques mois il y a une messagerie électronique, mais comme beaucoup de gens ne sen servent pas et que linformation nest pas tenue à jour elle est déjà en train de tomber en désuétude. Pourtant il y eu plein détudes avant son installation. On a consulté du monde, on a réuni des groupes, on a pris des avis. Et puis au moment du lancement on a oublié dinformer, dexpliquer, de former. On a laissé les systèmes de notes internes continuer, et comme on a tous nos petites habitudes, on a préféré ne rien changer. Il nen reste pas moins que tout ça cest encore beaucoup dargent jeté par les fenêtres. Alors, quand on me refuse 200 f daugmentation par mois ça me laisse songeur.
Vous avez des réunions générales ?
Tous les ans, on a notre grand-messe. Tout y est : la vidéo, lanimateur de la télé, les grands chefs, les discours, les clips. Cest vraisemblablement le moment le plus organisé de lannée. On nous présente les résultats, accompagnés de dizaines de graphiques tous aussi ésotériques les uns que les autres, on nous annonce les stratégies, les défis. Tout ça donne limpression dun TGV qui passe au milieu de lentreprise. Ca fait du vent mais on ne voit pas grand chose. On en sort avec le sentiment quon doit avoir les moyens puisquon organise ce type de réunion, même si on ne voit pas très bien à quoi tout cela a servi. Enfin, limportant cest que les chefs puissent sexprimer. Ils ont lair tellement heureux après.
Quelle communication marche le mieux ?
Celle qui est informelle, celle qui ne coûte rien, celle qui nest pas mise en boîte. On apprend plus de choses au restaurant dentreprise que dans les journaux. Cest au coin des machines à café que se construisent les vrais systèmes dinformation de lentreprise.
Pourquoi linformation ne circule-t-elle pas mieux ?
Parce que nous sommes égoïstes. Nous vivons chacun dans notre bulle, recroquevillés sur nos secrets et nos privilèges. Intrinsèquement, notre quotidien ne nous pousse pas à communiquer et ce nest pas la nomination dun monsieur communication et la création de moyens coûteux de communication qui y changeront quelque chose. Si létat desprit ne change pas, si linformation continue à descendre pour ne jamais remonter, on aura beau dépenser des millions, la communication névoluera pas dun iota !
REFLEXION
Aucune entreprise ne peut se passer de communication. Ce qui, en revanche, est tout à fait contestable, cest le montant des sommes quil faut y investir par rapport aux résultats généralement obtenus. Pourquoi ?
12- L'état durgence
Lencadrement intermédiaire a bon dos et être chef de vente de nos jours nest pas une sinécure. Patrick, qui occupe cette fonction, profite de notre entretien pour tirer la sonnette dalarme. Il nen peut plus dêtre en permanence sous pression, dagir et de faire agir dans lextrême court terme. La pression denjeu rend myope, détruit le plaisir de travailler, favorise les coups bas, oblige à masquer la vérité des chiffres pour finalement ne plus savoir si on est perdant ou gagnant.
Vous donnez limpression dêtre quelquun de très occupé.
Pour être vraiment honnête, je cours plutôt après mon ombre, et il y a des jours où je me demande si vraiment je maîtrise la situation. Autant vous le dire franchement, ma position nest pas simple et je suis souvent pris entre le marteau et lenclume.
Qui est le marteau et qui est lenclume ?
Le marteau cest les stratégies quon nous fait appliquer. Enfin stratégies, je ne sais pas si cest vraiment le terme, parce que ce nest pas toujours très cohérent. Il y a les ordres, il y a les contre-ordres, il y a les "il faut absolument que". Et nous, en bout de chaîne, il faut quon fasse appliquer ça sur le terrain. Cest difficile dêtre très crédible au niveau de nos hommes qui nous prennent, soit pour des girouettes, soit pour des carpettes. Et après ça, il y en a qui vont vous parler de la crise des cadres intermédiaires. A qui la faute à votre avis ?
Concrètement ça veut dire quoi ?
Par exemple, au début de lannée, on nous fait une grande messe où on nous rabat les oreilles avec limage institutionnelle, limage de marque, le service et surtout la sacro-sainte marge. Et puis très vite la pression monte pour que les quantités soient à la hauteur des prévisions et ce à nimporte quel prix. Quand je dis nimporte quel prix, ça peut aller de nous pousser à accepter des remises, jusquà nous faire comprendre quune présentation "astucieuse" des résultats arrangerait bien tout le monde. Seulement, de mensonge en mensonge, de faiblesse en faiblesse, on égratigne limage, on casse la rentabilité et finalement on sen prend plein la tête à la fin de lannée car bien entendu cest nous qui ne savons pas manager nos vendeurs et nos vendeurs sont des incapables ! Je ne vous explique pas quelles sont les répercussions sur la motivation.
Vous pouvez aller plus loin ?
On finit tous par être désorientés, voire écurés. Et cest généralement là que nos grands chefs nous sortent de leur chapeau une magnifique opération de stimulation. La stimulation, en gros, consiste à remotiver momentanément les gens après les avoir démotivés par une stratégie incohérente. Ca se déroule généralement sur des périodes courtes de deux ou trois mois pendant lesquelles on promet à tout le monde le paradis sur terre si on atteint les objectifs. Et il faut reconnaître que souvent ça permet des poussées de fièvre. Les vendeurs sagitent, jouent tous les coups, même les plus bas, afin de pouvoir être les nouveaux héros de cette horde sauvage. Bien entendu, on est obligé dêtre complice, et je vous laisse imaginer les dégâts que tout cela provoque.
Ah bon ! Lesquels ?
Dabord on devient tous des "camés". Pour avancer il nous faut notre "dose" de stimulation et notre "ligne" de cadeaux. Les vendeurs finissent par considérer que cest un avantage acquis et ont tendance à baisser leur rythme dès la fin de la stimulation. Il y en a même qui mettent les ventes au "frigo" comme on dit chez nous. On les réserve pour le prochain challenge ! De plus dans toute stimulation il y a ceux qui gagnent et ceux qui perdent. Imaginez un instant la tête et le moral de ceux qui perdent. Cest une forme évoluée dautomutilation de sa force de vente. Celui qui est le plus content dans tout ça cest le client, parce quil a le bonheur de venir pendant une période de promotion produit et de stimulation vendeur il a toutes les chances davoir la remise maxi. En fait, la stimulation est le plus sûr moyen de casser nos marges, alors que des méthodes plus fines pourraient nous permettre de vendre plein pot ! Résultat final, on démotive et on démobilise, on perd des points de rentabilité et on rend notre force de vente incontrôlable. Quand après ça on vous dit que les vendeurs ne pensent quà largent, inutile de vous dire qui en est à lorigine !
Vous insinuez que tout le monde ne poursuit pas le même objectif ?
En fait tout le monde a au moins un objectif en commun : être bien vu de son chef. Et tous les moyens sont bons. Pour le reste, cest la panique à bord. Pour le vendeur, cest de vendre coûte que coûte. Pour moi, cest de respecter mes quotas. Pour mon chef, cest découler ses stocks et pour les gens du siège, cest de faire de la marge. Personne ne réfléchissant sur les mêmes bases, il ny a pas une stratégie dentreprise mais un galimatias de tactiques par niveaux. Chacun cherche à faire son score pour pouvoir se justifier vis-à-vis des couches supérieures. Cest la dictature du quotidien, nous sommes devenus les otages du court terme.
Pas à 100 % quand même ?
Malheureusement si. On ne prend jamais le temps de réfléchir, de remettre en cause, de tester de nouvelles approches. On réitère jour après jour les mêmes méthodes éculées avec chaque jour plus dénergie pour que ça passe. Et bien entendu avec ces méthodes, il y a forcément un jour où ça casse. On a par exemple un turnover colossal, des vendeurs qui nous coûte une petite fortune en formation et en recrutement. On a aussi la maladie qui devient le refuge des plus fragiles. Enfin la démotivation chronique des cadres intermédiaires qui est à coup sûr le cancer le plus pervers de lentreprise.
REFLEXION
Pendant longtemps, on a juré que par le système de Direction Par Objectifs. On le paie cher aujourdhui.
11- Les bleus au casse-pipe
Jacques, qui vient dêtre embauché il y a 6 mois, a fait le calcul. Son recrutement et sa période dintégration ont coûté à lentreprise 25 000 euros en frais directs. Tout cela a été investi sur sa personne. Sans compter ce quont coûté les trois prédécesseurs qui se sont succédés à ce poste depuis deux ans déjà. Résultat : une envie irrésistible de partir. Comment a-t-on pû en arriver là ?
Comment sest passé votre recrutement ?
Cétait un peu le marché au bestiaux. On était plus de 100 à être convoqués. Au bout dune demi-heure, la moitié était partie car le profil proposé ne correspondait pas du tout à lannonce. Ils nous ont fait passer un grand nombre de tests, dentretiens, de jeux. Tout ça, bien entendu, avec des spécialistes. Et puis après, a vraiment commencé le chemin de croix.
Vous voulez dire quoi ?
Pour les cinq finalistes il a fallu rencontrer plusieurs personnes plusieurs fois. Il a fallu attendre, sexpliquer, répéter.
Honnêtement, au bout dun moment je navais plus du tout envie dentrer. Et puis, il a fallu rappeler, retéléphoner, patienter pour avoir le responsable. On nous a dit que la réponse était imminente, puis pour la semaine suivante, puis pour plus tard. Ca donnait plutôt une impression de désordre. Et enfin, un jour, on ma annoncé que jétais recruté et quil me fallait me présenter le lendemain matin à 8 heures précises.
Et alors ?
Evidemment, la personne qui mavait donné rendez vous à huit heures est arrivée à 8h30. Quand il est arrivé, il était très pressé. Il ma installé dans un bureau et ma laissé sans consigne jusquà midi. Puis il est passé en coup de vent, ma laissé des dossiers et ma demandé den prendre connaissance. Les jours suivants, la pression étant toujours aussi forte, il ma demandé daller voir les autres services. Bien entendu, ceux-ci nayant pas été avertis mont accueilli un peu fraîchement, mais enfin ça fait partie du jeu.
Vous avez reçu une formation ?
Pas vraiment. Car je crois que rien nétait vraiment prévu pour moi. On ma livré quelques livres et très vite je me suis retrouvé dans larène. Je ne cache pas quau début il y a eu un peu de casse et honnêtement je crois avoir coûté beaucoup plus cher que mon salaire, ne serait-ce que par les erreurs commises et les perturbations que jai créées dans les services. Heureusement, au début on vous pardonne.
Ensuite, ça a évolué ?
Malheureusement non, parce que je navais pas dobjectifs. Je me suis trouvé plusieurs semaines sans mission et sans management. Cétait un peu le happening permanent. Cest alors que jai appris que déjà 3 personnes avaient été recrutées à ce poste et avaient fini par abandonner. La sélection naturelle en quelque sorte. Depuis, je me suis rendu compte quil en allait ainsi dans pratiquement tous les services. De là à penser que cest "stratégique" comme ils disent, il ny a quun pas.
Ca vous a laissé quelles impressions ?
Dabord de létonnement. Quand on voit les moyens colossaux mis en uvre pour attirer les candidats par des annonces dans tous les grands journaux nationaux, puis pour sélectionner des individus bardés de diplômes, on sattend à une intégration plus préparée. Ensuite lécurement de devoir faire le pied de grue, de devoir attendre, de rester inactif. Enfin la démotivation devant des cadres aussi peu maîtres de leur temps, devant le gâchis, devant une entreprise aussi peu soucieuse de ses nouvelles forces vives.
Vous voyez lavenir comment ?
Franchement, jaimerais vraiment trouver une autre place dans une autre entreprise. Je me sens en totale insécurité. Ce qui est paradoxal cest de voir largent qui a été investi sur moi pour en arriver à me transformer en ennemi de cette entreprise. Cest bien la peine de recruter des super diplômés pour les traiter en amateur.
REFLEXION
Ah ! les super diplômés ne sont plus ce quils étaient. Cest pour cela sans doute quon est obligé de surdimensionner les profils et de mettre davantage de moyens ?
10- Premier de cordée
Les carriéristes, dans lentreprise comme ailleurs, dépensent au moins la moitié de leur énergie à gérer...... leur carrière, pendant que dautres - les mêmes parfois - dégraissent à tout va. Rentabilité oblige. Comme le pense ce cadre un peu blasé, ce qui est bon pour les dirigeants ne lest pas nécessairement pour leur société.
Vous êtes depuis combien de temps dans lentreprise ?
Ca va faire 27 ans en mai. Une paye vous allez dire ! Enfin maintenant je pense que jirai gentiment jusquà ma retraite.
Comment a évolué votre carrière ?
Ca ne sest pas toujours fait sans peine. Parce que lentreprise cest un peu la jungle. Les gens passent un temps fou à éliminer la concurrence. Ils protègent leurs arrières. A ce jeu-là, tous les coups sont bons ; ça va de la rumeur à la fausse alliance en passant par le dénigrement. Cest étonnant de voir à quel point des gens embarqués sur le même bateau peuvent se faire du mal.
Il y a quand même des règles ?
Bien sûr quil y en a, mais elles ne sont pas toujours très judicieuses. Lune dentre elles par exemple consiste à nous faire changer de poste tous les deux ou trois ans. On a à peine le temps dapprendre notre métier et dêtre à laise, quon nous déracine. Cest comme ça quon a le sentiment dêtre incompétent toute sa carrière. Et puis, on se demande surtout en fonction de quoi on vous attribue tel ou tel poste. Il y a une gestion de carrière occulte dont on ne comprend toujours pas très bien tous les paramètres.
Il y a des combats pour le pouvoir ?
Vous avez prononcé le mot fatidique ; le pouvoir. On ne pense quà ça. Tout le monde croit quil y a plus de pouvoir plus haut. Tout le monde se bat pour monter. Cest un peu la quête du Graal en moins pur, si vous voyez ce que je veux dire. Ce que ces croisés des temps modernes nont pas compris, notamment les plus jeunes qui ne sont pas les plus tendres, cest que plus on monte moins on a de pouvoir sur les choses. On perd en réalité, on perd en information, on perd en disponibilité. On gagne en temps de réunion, en élucubration, en négociations interminables. Franchement, les sommets ne sont pas toujours des lieux très fréquentables. En effet, alors que le reste de lentreprise est tourné vers lopérationnel, les sommets sont hantés par la politique et ses bassesses.
Vous avez évoqué les jeunes cadres, ils se comportent différemment ?
Il ny a que leur intérêt personnel qui compte. Ils ont été dressés pour diriger et ils nont pas de temps à perdre. Cest pour cela à mon avis quils passent plus de temps avec leurs supérieurs quavec leurs subordonnés. Ce sont les rois des rapports, des courbes, des explications hyper rationnelles. Mais quelque part, je crois quils ne roulent que pour eux et quils ne servent pas loyalement les intérêts de lentreprise.
Cest de leur faute ?
Pas tout à fait. Il y a le système denseignement et il y a lexemple de leurs aînés. Ils font la même chose en plus efficace, en plus stratégique, en plus marketing ! Le malheur cest que les bataillons dambitieux ne font pas toujours gagner les guerres. Et puis des chefs, cest vrai quil en faut , mais il ne faut pas que ça. Or avec le principe qui dit que pour progresser il faut grimper, ça finit par créer des engorgements au sommet. Et des engorgements aux égorgements, il ny a quun pas.
Quest-ce qui est le plus grave pour vous ?
Le dévoiement de lintelligence et de lénergie. Elles ne sont pas utilisées à bon escient. Elles ne sont pas suffisamment utilisées pour lentreprise. Et le système pousse à ce dévoiement. Il met chacun dans un tel état dinsécurité que les gens mettent plus dénergie à maîtriser leur survie, quà faciliter le développement de leur entreprise. Si les choses étaient plus claires et si la confiance régnait, on pourrait espérer voir les choses changer. On ny est pas encore.
REFLEXION
Le plus grand gaspillage est celui que nous ne voulons pas voir.
09- La dynamique du laid
Carmen est lune des préposées de léquipe de nettoyage qui passe régulièrement le soir dans les bureaux du siège. Cest là que lon rencontre les gens les plus respectables de lentreprise, les plus distingués, les plus raffinés. Du moins, elle le pensait, jusquau jour où elle y a découvert des montagnes de déchets et certains endroits encore plus négligés quailleurs. Son témoignage est édifiant.
Je suppose que dans votre métier on doit en voir des choses
Ca pour sûr que jen vois des choses. Et ce nest pas toujours joli joli ! Je me demande comment les gens font pour vivre dans les conditions où ils sont. Les bureaux chez nous cest la négation du beau, cest tout sauf la vie. Il ny a quà voir comment ils se comportent pour voir quils ne se plaisent pas. Tenez, prenez les poubelles, ça donne tout de suite la mesure du gaspillage. On y trouve des classeurs presque neufs, du papier non utilisé, des stylos encore en état de marche. Pour tout vous dire, je fournis mes enfants en papeterie rien quavec les poubelles du huitième. Pour jeter toutes ces choses, ils ne doivent pas avoir une grande estime pour la "maison".
Quand vous dites que ce nest pas beau cest étonnant car ils viennent dêtre refaits vos bureaux.
Vous pourriez vivre vous toute lannée dans une "clinique". Je ne sais pas dailleurs qui a été chargé de cette rénovation parce que mettre autant dargent pour arriver à un lieu aussi triste, il faut vraiment le faire. Tout est pâle, tout est aseptisé, tout est automatique, tout est conditionné, tout est fade. Ca tient plus du hangar de luxe que du bureau douillet. Et la lumière, vous avez vu la lumière, elle aussi elle est blanche, elle vous marque les traits au point de donner dix ans de plus à tout le monde. Pour sûr que toute la journée sous les néons ça crée de la clientèle pour les opticiens. Et puis avec leur air conditionné ça vous fait prendre froid pour un rien. Avec toutes ces machines lair nest pas sain. Je suis sûr que cela a quelque chose à voir avec toutes ces maladies de la gorge ou du nez que les gens attrapent toute lannée. Sans parler des bureaux des fumeurs et des salles de réunion. Là on se croirait plus dans une fumerie dopium que dans un bureau. Non vraiment , mais comment les gens peuvent-ils travailler efficacement dans des conditions pareilles.
Il y a des endroits privilégiés ?
Oui, moi jaime mieux le huitième, létage de la direction. Là ils ont une super moquette, chaque bureau a été personnalisé et puis ils ont mis des beaux tableaux dans les couloirs. Ils ont du y mettre des sous mais cest plutôt réussi. Jai demandé pourquoi ils navaient pas décoré les autres étages et on ma dit que cétait pour des raisons de sécurité. Je ne sais pas si cest vrai, mais je crois plutôt que cest parce que tout le monde sen fout et que personne nest vraiment responsable de la beauté des locaux. Je crois que les gens ne sont pas très concernés par lendroit où ils travaillent. Pourtant, cest bien là quils passent la plus grande partie de leur vie.
Dans quel état trouvez-vous les locaux quand vous commencez votre travail ?
On a limpression quil y a eu un tremblement de terre. Il y a des papiers partout. Faut dire quavec linformatique il y a des tonnes de listings. Et puis on a souvent limpression que les gens sont partis précipitamment, laissant leurs bureaux mal rangés, se disant que demain ça irait mieux. Alors bien sûr, il arrive que lon jette des trucs quil aurait pas fallu. Entre parenthèses, si je travaillais pour le KGB je pourrais leur en raconter des choses avec ce que les gens laissent traîner. Le plus pitoyable, cest létat des toilettes, je ne sais pas si les gens sont aussi sales chez eux, mais pour des gens qui ont des responsabilités comme ils disent, ça ne fait vraiment pas très sérieux.
Cest partout pareil ?
Pas dans tous les services. Ca dépend un peu du chef. Je crois que cest un peu lui qui donne lexemple. Il y en a un au quatrième qui a donné un budget décoration à ses collaborateurs. Ils ont toutes les semaines des fleurs nouvelles, ils ont aménagé leur coin café, ils ont mis des posters. Cest drôlement plus vivant. Et puis on le voit bien, quand on croise les gens qui y travaillent. Ils ont lair plus heureux, plus souriants. Ils vous disent bonjour, eux. Je ne voudrais pas généraliser mais plus les locaux sont tristes, plus les gens le sont, et plus les locaux sont gais plus les gens sont sympas.
REFLEXION
Montre-moi ton bureau je te dirai qui tu es ...... et quel patron tu as. Le respect des hommes aurait-il quelque chose à voir avec le respect des choses et des lieux ?
08- Mineraux en mutation
Françoise est une femme formidable. Elle est dans bien des circonstances lambassadrice de son entreprise, sa voix et son sourire. Elle est aussi sa mémoire et le témoin de quelques habitudes qui coûtent si cher et dont certaines pourraient lui coûter la santé. Les révélations que ma faites cette secrétaire de direction (que je connais depuis plus de 10 ans) sont intéressantes à plus dun titre. Jugez-en plutôt :
Ca doit être stimulant de travailler dans une société aussi moderne avec tous ces moyens.
Cest vrai que ce nest pas comme dans le temps. Aujourdhui on a des outils de travail formidables, on a de la place dans nos bureaux. Côté matériel, ça a bien évolué. Je nen dirais pas autant des comportements des gens. Le modernisme de notre société est en fait une illusion doptique car face aux machines ultramodernes il y a encore beaucoup de comportements archaïques. Mon patron, par exemple, ça fait 20 ans quil me dicte toutes ses notes pour que je les prenne en sténo. Pourtant, il a un ordinateur flambant neuf qui trône au beau milieu de son bureau. Mais comme beaucoup de cadres supérieurs chez nous, il utilise peu son ordinateur. Cest plus un statut quun outil.
Pourtant, avec les outils de communication moderne ça doit changer des choses ?
Pensez donc, cest dans les journaux quon vous dit ça. Tenez, par exemple, ils continuent à faire certaines réunions au siège, obligeant ainsi tout le monde à se déplacer, alors quelles pourraient aussi bien se faire par téléphone. Je ne vous parle pas des kilos de notes quils senvoient les uns les autres, dont on imagine sans peine lusage qui en est fait.
Ils nutilisent pas les messageries électroniques ?
Encore un gadget qui nous a coûté cher. On nous la installé, on nous a formé, puis on a attendu quil marche bien pour lutiliser, entre temps on a un peu oublié. Et puis ceux qui sen sont servi ont vite vu que les autres ne lisaient pas leur message, alors ils ont arrété. Aujourdhui il ny a plus quentre secrétaires quon lutilise, car cest vrai cest bien pratique. Les autres ont préféré revenir au papier.
On parle beaucoup de gestion du temps, ça a évolué ?
Ca fait maintenant plusieurs années que le plan de formation a intégré la gestion du temps. Ils sont tous passé par des stages dont ils revenaient illuminés, avec leurs nouveaux outils de gestion du temps, et leurs nouvelles résolutions. Et puis très vite, ils redevenaient eux-mêmes. Les gens qui arrivaient en retard recommençaient à arriver en retard, les gens brouillons redevenaient brouillons, les gens débordés redevenaient submergés. La nature revenait au galop et une fois de plus les actes ne collaient plus aux discours. Je crois que le seul qui a fait fortune dans cette histoire cest le formateur.
Nest-il pas normal que les gens ne changent pas vite ?
Cest vrai que nous sommes tous un peu autistes. Mais enfin pourquoi ceux qui exigent de nous une adaptation minute ne se remettent pas plus en cause. Pourquoi nous demander de faire des économies, alors quils se déplacent en avion pour un oui ou pour un non ? Pourquoi nous faire écrire des notes de dix pages alors quon sait très bien quils ne les liront pas ? Pourquoi nous demander le secret vis à vis de nos collègues alors quils passent leur temps à faire circuler des rumeurs ? Sil y a une habitude qui ne change pas, cest bien celle de demander aux autres de changer sans en faire autant.
Si je vous comprends bien, ça change plus vite en bas quen haut.
Et pour cause. Dabord on nous lordonne. Ensuite on na pas la liberté déchapper à la réalité de nos tâches. Si on ne fait pas le courrier, il ne part pas. Alors que sils ne prennent pas une décision au bon moment ça ne se voit pas tout de suite. Il y a beaucoup de gens qui vivent dans des bulles et qui ne voient plus très bien les choses évoluer. De temps en temps, ils se regroupent pour se rassurer sur l état de leurs bulles. Je crois que cest parce quils ne comprennent plus la réalité quils ne changent pas. Dune certaine manière, heureusement quils nous ont pour les aider à reprendre contact avec le sol.
En fait vous pensez que votre poste a un avenir ?
Aussi longtemps que nos chefs ne changeront pas, je dirais que oui. Nous sommes le vestige dune certaine forme dorganisation. Tant que nos organisations seront hyper hiérarchisées, que les chefs auront tous les privilèges, que le progrès technologique ne sera pas digéré, nous aurons un rôle à jouer. Tant que les chefs ne prendront pas en charge certains aspects matériels de leurs tâches, ils soffriront leur petit confort grâce à nous. Mais le jour où les contrôleurs de gestion comprendront le coût fabuleux induit par des comportements aberrants, je ne donne pas cher de notre peau
REFLEXION
Les habitudes sont le plus grand frein au changement. Quel gâchis de voir ces nouveaux matériels, ces séminaires et autres organizers ne rien changer dans les têtes, sauf dans celle dune secrétaire qui nest pas dupe.
07- Le fossoyeur de dollars
Le temps est aux économies, il faut "coûte que coûte" réduire les dépenses, cest certain ! Il ny a pas longtemps, jai rencontré Jean, un directeur financier qui a appliqué ce principe au pied de la lettre. Il a entre autre économisé des millions de francs sur le budget de communication et supprimé une partie de la rémunération variable des commerciaux. Il a atteint ses objectifs en un temps record. De lavis de certains, cest un excellent directeur financier.
Je suppose que votre métier ne doit pas vous faire que des amis ?
Par définition, oui, bien sûr. Eux, ils dépensent, moi jéconomise. Je suis un peu la police. Cest un rôle ingrat vous savez. Mais moi, ma religion a toujours été quun sou déconomisé était un sou de gagné. Alors je traque les excès, je débusque les dépassements, je tire sur les achats, et jessaie de comprimer au maximum les budgets. Cest une guerre de tous les instants car on ne peut vraiment faire confiance à personne.
Comment faites-vous pour savoir si une réduction de budget est justifiée ?
Si on écoute les gens, elle ne lest jamais. Chaque personne est indispensable et chaque centime est vital. Moi je coupe et après on voit. Quelquefois, il faut faire marche arrière, mais souvent, après quelques semaines où ils me font la gueule, ils finissent par ne plus men parler. Tenez, par exemple, au service communication, je leur ai coupé 40 % de leur budget car il fallait trouver des économies. Au début, ils ont hurlé, ils mont menacé. Et puis ça a fini par se tasser. Mais enfin aujourdhui le pouvoir est à la finance et je sais que je suis soutenu en haut lieu. Alors, pour savoir si une réduction de budget est justifiée je leur dis que si je ne réduis pas leur budget, je serai peut-être obligé de leur couper des têtes. Ils sont très vite calmés vous savez. De toutes façons, on sait bien que tout le monde bidonne les budgets , alors si on en enlève un peu ils se débrouilleront quand même !
Cela vous amène vraisemblablement à interrompre des projets presque en phase terminale ?
Cest vrai et on me dit toujours que cest bête de perdre tout linvestissement alors que 60 ou 70% ont déjà été investis. Mais moi, ce que je veux, cest des E-CO-NO-MIES. Quand ça ira mieux on pourra alors réinvestir, quitte à recommencer à zéro certaines démarches. Pour linstant on na pas les moyens, alors on élague et on se concentre sur lessentiel.
Vous navez pas peur de démotiver les gens ?
Je ne suis pas payé pour gérer les états dâme des gens. Sils ne sont pas contents, ils peuvent toujours aller ailleurs. Cest dailleurs ce que font certains dentre eux. Ce qui est essentiel pour moi cest le bilan et surtout la dernière ligne. Alors, la motivation des gens dans tout ça , ça me fait doucement rigoler. Nous sommes une entreprise et pas lassistance publique. On est là pour faire du profit pas pour samuser.
Et les licenciements ?
Là cest plus compliqué car il y a tout un arsenal juridique à mettre en uvre. Et puis il y aussi la sensiblerie de certains. La rentabilité dune entreprise ne supporte pas les écarts affectifs. Quand lentreprise a les moyens, elle peut nourrir les gens, quand elle ne les a plus elle doit sen séparer. Alors bien entendu le problème que lon a cest que les lois nous amènent à préférer la mise en retraite anticipée aux licenciements. Or, ce sont souvent ceux qui ont le plus de compétences et dexpérience. Enfin, comme ce sont les plus anciens dans un premier temps ça allège nettement la charge salariale. Il sera toujours temps de former leurs remplaçants le jour venu.
Comment jugez-vous de votre efficacité ?
Rien de plus simple, je demande a être jugé sur les économies que je fais réaliser. Dailleurs je viens de proposer de modifier la rémunération des vendeurs car je trouve quils gagnent des sommes scandaleuses. Là on va économiser de largent.
Et il ny a pas de risque pour vos ventes ?
Pensez donc, ce nest pas 20 ou 30 % de moins sur les commissions qui va les empêcher davancer. Et puis, de toutes façons, les clients continueront à acheter nos produits. Ils ont toujours été fidèles.
REFLEXION
Cela me rappelle le procès dun chirurgien américain qui plaida la réussite technique de lopération, alors que le patient en était mort.