07- Le fossoyeur de dollars
Le temps est aux économies, il faut "coûte que coûte" réduire les dépenses, cest certain ! Il ny a pas longtemps, jai rencontré Jean, un directeur financier qui a appliqué ce principe au pied de la lettre. Il a entre autre économisé des millions de francs sur le budget de communication et supprimé une partie de la rémunération variable des commerciaux. Il a atteint ses objectifs en un temps record. De lavis de certains, cest un excellent directeur financier.
Je suppose que votre métier ne doit pas vous faire que des amis ?
Par définition, oui, bien sûr. Eux, ils dépensent, moi jéconomise. Je suis un peu la police. Cest un rôle ingrat vous savez. Mais moi, ma religion a toujours été quun sou déconomisé était un sou de gagné. Alors je traque les excès, je débusque les dépassements, je tire sur les achats, et jessaie de comprimer au maximum les budgets. Cest une guerre de tous les instants car on ne peut vraiment faire confiance à personne.
Comment faites-vous pour savoir si une réduction de budget est justifiée ?
Si on écoute les gens, elle ne lest jamais. Chaque personne est indispensable et chaque centime est vital. Moi je coupe et après on voit. Quelquefois, il faut faire marche arrière, mais souvent, après quelques semaines où ils me font la gueule, ils finissent par ne plus men parler. Tenez, par exemple, au service communication, je leur ai coupé 40 % de leur budget car il fallait trouver des économies. Au début, ils ont hurlé, ils mont menacé. Et puis ça a fini par se tasser. Mais enfin aujourdhui le pouvoir est à la finance et je sais que je suis soutenu en haut lieu. Alors, pour savoir si une réduction de budget est justifiée je leur dis que si je ne réduis pas leur budget, je serai peut-être obligé de leur couper des têtes. Ils sont très vite calmés vous savez. De toutes façons, on sait bien que tout le monde bidonne les budgets , alors si on en enlève un peu ils se débrouilleront quand même !
Cela vous amène vraisemblablement à interrompre des projets presque en phase terminale ?
Cest vrai et on me dit toujours que cest bête de perdre tout linvestissement alors que 60 ou 70% ont déjà été investis. Mais moi, ce que je veux, cest des E-CO-NO-MIES. Quand ça ira mieux on pourra alors réinvestir, quitte à recommencer à zéro certaines démarches. Pour linstant on na pas les moyens, alors on élague et on se concentre sur lessentiel.
Vous navez pas peur de démotiver les gens ?
Je ne suis pas payé pour gérer les états dâme des gens. Sils ne sont pas contents, ils peuvent toujours aller ailleurs. Cest dailleurs ce que font certains dentre eux. Ce qui est essentiel pour moi cest le bilan et surtout la dernière ligne. Alors, la motivation des gens dans tout ça , ça me fait doucement rigoler. Nous sommes une entreprise et pas lassistance publique. On est là pour faire du profit pas pour samuser.
Et les licenciements ?
Là cest plus compliqué car il y a tout un arsenal juridique à mettre en uvre. Et puis il y aussi la sensiblerie de certains. La rentabilité dune entreprise ne supporte pas les écarts affectifs. Quand lentreprise a les moyens, elle peut nourrir les gens, quand elle ne les a plus elle doit sen séparer. Alors bien entendu le problème que lon a cest que les lois nous amènent à préférer la mise en retraite anticipée aux licenciements. Or, ce sont souvent ceux qui ont le plus de compétences et dexpérience. Enfin, comme ce sont les plus anciens dans un premier temps ça allège nettement la charge salariale. Il sera toujours temps de former leurs remplaçants le jour venu.
Comment jugez-vous de votre efficacité ?
Rien de plus simple, je demande a être jugé sur les économies que je fais réaliser. Dailleurs je viens de proposer de modifier la rémunération des vendeurs car je trouve quils gagnent des sommes scandaleuses. Là on va économiser de largent.
Et il ny a pas de risque pour vos ventes ?
Pensez donc, ce nest pas 20 ou 30 % de moins sur les commissions qui va les empêcher davancer. Et puis, de toutes façons, les clients continueront à acheter nos produits. Ils ont toujours été fidèles.
REFLEXION
Cela me rappelle le procès dun chirurgien américain qui plaida la réussite technique de lopération, alors que le patient en était mort.