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Fin d'ère - Nouvel air
3 juin 2004

02- Le ballet des possédés

8.

 

Si vous souhaitez savoir si les salariés aiment leur entreprise, interrogez donc le portier. Vous en apprendrez long sur beaucoup d'entre eux : leur état de santé, leur envie de travailler, leur énergie, leur enthousiasme ou leur déprime ... Vous pourrez ainsi évaluer ce qu'ils apportent avec eux chaque matin. Les plus et les moins. C'est cela la richesse humaine d'une entreprise. Une valeur somme toute bien fragile, presque aléatoire.

 

Vous avez un poste d'observation privilégié, on doit en voir des choses ...

Je dois être le seul à voir tout le monde, et je n'arrive toujours pas à comprendre comment des gens aux comportements si différents arrivent à faire tourner la même entreprise. Leur seul point commun, c'est qu'ils font tous la "gueule" le matin en rentrant. C'est comme s'ils venaient à l'abattoir. On les sent soucieux, encore traumatisés par les transports en commun. A les voir, j'imagine qu'ils ne doivent pas beaucoup s'amuser dans les étages.

Quelles sont les grandes différences ?

D'abord, il y a les lève-tôt. Ce sont peut-être les plus sympas. Ils n'hésitent pas à s'arrêter pour me saluer. On fait un peu partie de la même famille. Ils arrivent généralement d'un pas décidé, déjà absorbés par leurs pensées. Il faut bien dire qu'ils sont très peu et je dirais même qu'ils sont de moins en moins nombreux. Contrairement à ceux qui arrivent à 9 heures sonnantes. Eux ils arrivent par wagons, font des coudes à l'entrée, font la queue aux sas. Il y a fréquemment des accrochages. Ce qu'ils ont en commun, c'est qu'ils fixent tous leurs pieds, et qu'ils évitent soigneusement de se regarder. Ils rentrent la tête basse dans un lieu où ils vont en baver pendant 8 heures. Et puis, il y a bien sûr les retardataires qui arrivent en courant, la cravate mal nouée, la tête dans leur attaché-case pour essayer de combler le retard déjà accumulé. Ce que je ne comprends pas c'est que ça à l'air de les traumatiser d'arriver en retard et pourtant ce sont tous les jours les mêmes.

Vous les revoyez dans la journée ?

Ah oui. Il y en a que je revois pratiquement 5 minutes après leur arrivée et qui redescendent avec d'autre personnes pour aller prendre leur café à l'extérieur. En quelque sorte, ils se font la belle et vont chercher dehors le courage de revenir travailler, ou l'intimité qui n'existe pas dans leurs bureaux. Il y a aussi ceux qui viennent accueillir leurs visiteurs. Il y a des fois où je suis géné pour eux quand je vois le temps qu'ils les laissent attendre. Certains disent que c'est une stratégie pour mettre leurs visiteurs en position d'infériorité. Moi je crois que c'est tout simplement parce qu'ils ne savent pas gérer leur temps.

Et le soir ?

Alors là, le soir c'est la course. Il y a ceux qui sont arrivés à l'heure le matin qui sortent juste à l'heure le soir. Ils doivent avoir une horloge dans le ventre. A nouveau c'est la cohue. Quand ils sortent on les sent gris, vidés, abstraits. On les sent néanmoins soulagés de quitter un lieu où apparemment ils ne se sont pas fait très plaisir. Et puis il y a les noctambules, ceux qui sortent deux à trois heures après tout le monde. Ils sortent généralement en petits groupes, en conciliabule. On sent que pour eux il n'y a que l'entreprise et leur carrière qui compte. C'est à croire qu'ils n'ont pas de famille.

Vu de l'entrée vous avez l'impression que l'entreprise change ?

Oui, elle vieillit, et ça commence à se voir clairement. D'une manière générale je trouve que les gens ont l'air de moins en moins contents de venir. Mais ce qui m'inquiète le plus c'est qu'ils sont de moins en moins nombreux. Et ça c'est vraiment triste !

REFLEXION

Dire qu'une entreprise ne vaut que ce que valent les hommes et les femmes qui y travaillent ! Pourvu qu'ils ne tombent pas malades .

 

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Commentaires
Fin d'ère - Nouvel air
  • A un moment où tout semble battre de l'aile, comment tout en s'indignant à juste titre des comportements hallucinants des organisations, trouver de nouvelles pistes pour redonner du sens à la vie collective ?
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