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Fin d'ère - Nouvel air
4 juin 2004

03- La mémoire qui flanche

13.

 

Nombreuses sont les entreprises dont l'essentiel de leur savoir-faire se trouve exclusivement dans la tête de leurs salariés. En général, on s'en aperçoit au moment du départ à la retraite de l'un d'entre eux. C'est le cas de Marcel qui nous explique comment,dans son entreprise, on en est arrivé à vaporiser un capital aussi précieux. Cela coûte excessivement cher de perdre ainsi sa mémoire. Ce n'est pas très prudent.

 

Vous allez bientôt prendre votre retraite, ça vous fait quoi ?

Ca a plutôt tendance à m'inquiéter, pour vous donner le fond de ma pensée. Non pas parce que j'ai peur de m'ennuyer, mais plutôt pour l'entreprise. On va être assez nombreux à partir à la fin du trimestre et rien, vous m'entendez bien, rien n'a été fait pour assurer une continuité entre nos activités et nos successeurs. A mon avis, ils vont en baver, car tout notre savoir-faire est dans nos têtes et pas dans les ordinateurs. A ce sujet, j'ai des copains qui en ont bien profité. Ils ont touché la prime pour sortir et aujourd'hui ils sont devenus conseils extérieurs car personne ne savait faire quoi que ce soit à l'intérieur. Vous ne trouvez pas ça triste, vous ?

C'est si difficile que ça de transmettre ses connaissances ?

D'abord, on ne nous le demande pas et puis on ne nous laisse pas le temps de le faire. Chacun est dans sa bulle, affairé à faire son possible. Mais on communique peu entre nous. Quand je vois les spécialistes de la communication qui engloutissent des fortunes en publications internes, j'aurais envie de leur dire que si la communication touche bien sûr à l'information, elle devrait surtout toucher les savoir-faire. Vous n'imaginez pas les choses fantastiques qui peuvent exister et que personne ne connaît. C'est tout cela qui fait que chacun réinvente la lune dans son coin, alors que tout existe ou presque et depuis longtemps.

 

L'entreprise ne connaît pas ses richesses.

Vous ne pouvez pas imaginer le nombre d'études que l'on rachète trente six fois, le nombre de fichiers identiques que l'on acquiert à prix d'or, les matériels qui sont en double ou en triple et qui dorment dans un coin, le nombre de consultants que l'on consulte alors que des gens compétents existent à l'intérieur, le nombre d'expériences réussies dont on n'a aucune trace, le nombre de dossiers rendus inexploitables par le manque d'organisation de nos archives. On crée , on achète, on invente et on ne classe rien. C'est comme ça que notre entreprise est devenue amnésique.

Comment l'expliquez-vous ?

Il n'y a qu'aujourd'hui qui compte. On a tous les yeux rivés sur le résultat. Pour employer une image, je dirais que l'on se préoccupe uniquement des intérêts au détriment du capital. Cela crée un manque à gagner énorme. Et puis, l'entreprise n'est pas un lieu d'expression de la générosité. On devient égoïste, replié sur nous-mêmes et notre service. En fait, chacun vit sa vie mais ne se sent pas très concerné par ce que l'on pourrait appeler "l'intérêt collectif". On se dit que si on fait son boulot c'est déjà pas si mal. Si en plus on doit apprendre aux autres comment devenir meilleurs que nous. Il y a aussi un autre phénomène qui ne facilite pas la transmission du savoir-faire. C'est la formation. C'est une forteresse. Ils vivent en totale autarcie. Plutôt que de faire le tour de l'entreprise pour savoir ce qui se fait ils réinventent des méthodes fumeuses à partir de bouquins ou d'experts. Tant que la formation sera aux mains de formateurs à temps complet, l'entreprise sera tentée de tout réinventer tous les jours, alors que ce serait si simple de faire former par ceux qui savent.

Quels conseils donneriez-vous ?

Il faudrait un peu plus formaliser, un peu plus écrire, un peu plus mettre sur vidéo, un peu plus mettre en système expert. Il faudrait penser aux autres, à ceux qui sont à côté, à ceux qui sont derrière vous. Il faudrait que chacun admette que la réussite c'est quand on facilite le travail de l'autre et non quand on fait des scores. Chacun devrait se sentir responsable de sa contribution au capital de l'entreprise, et le capital ce sont le savoir-faire et l'information. Pour cela, il manque peut-être une impulsion. C'est peut-être au management de pousser chacun vers une nouvelle forme de générosité qui consiste à tailler sa pierre et à la mettre dans l'édifice, alors que beaucoup se contentent du gîte et du couvert.

 

REFLEXION.

Quelquefois, la culture de l'oral doit céder la place à celle de l'écrit. Que reste-t-il des collaborateurs brillants et de leurs beaux discours ?

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Commentaires
Fin d'ère - Nouvel air
  • A un moment où tout semble battre de l'aile, comment tout en s'indignant à juste titre des comportements hallucinants des organisations, trouver de nouvelles pistes pour redonner du sens à la vie collective ?
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